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LA MEDIATION BASÉ SUR LES INTERETS ET LA RESPONSBILITÉ DU MÉDIATEUR (PARTIE 2)

Writer: bonaventure ayenabonaventure ayena

Le médiateur, en tant que tierce partie, est-il véritablement neutre ou impartial ? Ces notions, bien que souvent confondues, diffèrent profondément et nécessitent d’être distinguées pour mieux comprendre la responsabilité qui incombe au médiateur. La neutralité implique une absence totale de prise de position ou de jugement, tandis que l’impartialité signifie agir avec équité, sans préférence personnelle, même lorsqu’une décision est requise. Être impartial, c’est être juste, trancher en fonction des faits présentés, sans favoritisme, comme le font les juges dans leurs décisions. À l’inverse, la neutralité consiste à s’abstenir de tout jugement ou action en faveur de l’une ou l’autre des parties. L’impartialité exige donc une prise de position éclairée, tandis que la neutralité repose sur une absence d’engagement dans la narration des parties. Ainsi, une personne impartiale n’est pas neutre, car elle agit et décide, alors que la neutralité impose une retenue totale face aux dynamiques du conflit.Dans une médiation basée sur les intérêts, la neutralité du médiateur ne peut se limiter à une attitude fade, insipide ou évasive ; elle doit être imprégnée de bienveillance. Cette bienveillance agit comme un apaisement pour les médiés, souvent déjà submergés par l’angoisse liée au conflit qu’ils traversent. Elle influence également le processus, créant un cadre sécurisant qui facilite une évolution psychologique subtile et progressive chez les parties impliquées. Ce cadre bienveillant permet aux médiés de vivre une expérience d’altérité, clé pour reconnaître l’autre dans sa vérité, son vécu et ses émotions. Le médiateur, en tant que gardien du processus, doit non seulement identifier ce moment d’altérité lorsqu’il surgit, mais également le saisir pour en maximiser les effets. Il doit rester constamment présent, pratiquant une écoute attentive et une bienveillance active pour éviter que le processus ne se perde dans des débordements émotionnels incontrôlés. Sa neutralité bienveillante exige qu’il structure la rencontre, garantissant ainsi un cadre juste et équitable à chaque étape. Cette posture demande également au médiateur de gérer ses propres émotions et de connaître ses limites, afin de maintenir une neutralité stable. En somme, la neutralité bienveillante allie la rigueur dans la structuration du processus et la sensibilité aux dynamiques émotionnelles des médiés.Pour nous, la responsabilité du médiateur en tant que garant du processus de médiation va au-delà des simples cadres juridiques. Être responsable ne se limite pas à remplir une liste d’obligations ou à suivre un code civil, déontologique ou professionnel. La responsabilité du médiateur dépasse ces normes pour s’inscrire dans une dimension plus profonde. Elle ne consiste pas seulement à respecter les exigences d’une institution, mais relève avant tout d’une responsabilité morale. Cette responsabilité incarne une éthique personnelle qui guide le médiateur dans l’accompagnement des parties tout au long du processus.

Responsabilité face aux médiés : cohésion et acceptation

Dans cette partie, nous abordons une dimension de la responsabilité du médiateur qui dépasse le cadre purement juridique. Cela ne signifie pas que le médiateur est exempté des lois, mais qu’une composante morale vient s’ajouter à sa responsabilité professionnelle. Cette responsabilité morale repose sur une cohérence entre ses pensées, ses paroles et ses actions. Être responsable, c’est reconnaître les implications de ses actes et les assumer pleinement. Les décisions du médiateur ne sont jamais mécaniques ; elles sont le fruit d’une réflexion nourrie par sa culture, son éthique et ses valeurs personnelles. Contrairement à une vision purement juridique et codifiée, cette approche met en avant la conscience morale qui donne un sens profond à ses actions. Dans ce contexte chargé d’émotions, la responsabilité devient une acceptation, un engagement sincère dans l’accompagnement des médiés.

Vu sous cet angle, la responsabilité du médiateur n’a rien de terrifiant, car elle dépasse les simples considérations de réussite ou d’échec du dialogue entre les médiés. Elle devient un engagement de la conscience morale dans l’action, un acte volontaire guidé par des principes éthiques profonds. Cette responsabilité transcende les normes, la faute ou la sanction, pour devenir une affirmation intérieure, un témoignage envers soi-même que chaque geste posé sert le bien du processus de médiation. Elle ne cherche pas à se justifier ou à prouver sa légitimité, mais assume pleinement, avec humilité, les conséquences possibles de chaque décision.

Fière du travail de préparation accompli en amont, cette responsabilité s’appuie sur un engagement volontaire face à l’incertitude, aux émotions, et même aux jugements extérieurs. Elle demeure indifférente à la justice perçue par autrui, car elle trouve sa force dans une éthique personnelle. Cette forme de responsabilité s’apparente à celle portée par l’éthique de la conviction, où le médiateur agit avec la certitude que ses décisions visent avant tout le bien du processus. Les résultats escomptés, quant à eux, relèvent uniquement des médiés et de leur cheminement personnel.

Ainsi, le médiateur se concentre davantage sur la qualité du dialogue que sur le résultat final, lequel est sujet aux aléas de la vie. Cette indifférence apparente n’est ni un désaveu, ni une attitude légère ou désinvolte, mais bien une posture morale solidement ancrée dans la conviction que l’action entreprise est juste. Elle repose sur une force intérieure inébranlable, insensible aux critiques ou aux accusations éventuelles des autres. Cette force s’inscrit dans l’esprit de la célèbre maxime kantienne : « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle. » Le médiateur, fidèle à cette vision, fait de son agir une expression cohérente de ses valeurs et de son rôle au service du processus de médiation.

La responsabilité du médiateur reflète le chemin parcouru par l’éthique du care, qui cherche à se substituer aux théories de l’éthique de la justice et à la justice elle-même comme mode de résolution des conflits. Cette approche invite à repenser la justice sociale en tenant compte de la sensibilité humaine et place le médiateur au cœur d’un processus qu’il encadre sans imposer sa volonté. Contrairement au juge, à l’avocat ou même au consolateur, le médiateur a une tâche paradoxale : ne rien faire au sens d’intervenir directement, mais gérer ses propres émotions pour permettre aux participants d’exprimer pleinement leur récit. En cela, la médiation diffère des autres méthodes de règlement des conflits, car elle privilégie la sollicitude et les liens humains plutôt que des règles universelles et impersonnelles ou l’autorité coercitive.

Le rôle du médiateur est donc centré sur l’écoute active et l’accueil des narrations, sans jugement, critique ou préjugé moral. Il crée un espace où les médiés peuvent explorer leurs différences et trouver une compréhension mutuelle. La bienveillance et la sollicitude, définies comme une attention portée à l’autre, sont au cœur de son travail. Ces qualités, fondamentales dans l’éthique du care, permettent de redonner aux relations humaines leur place primordiale dans le processus de résolution des conflits. Ainsi, le médiateur accompagne les parties avec sensibilité, tout en respectant leur autonomie et leur capacité à co-construire des solutions.

Conclusion

Dans le cadre d’une médiation basée sur les intérêts, le médiateur joue un rôle fondamental de garant du processus, centré sur une écoute active de chaque médié. Cette écoute vise à amorcer une compréhension mutuelle et à permettre à chacun de se reconnaître dans l’histoire de l’autre. Parmi les responsabilités principales du médiateur figurent l’écoute, la neutralité bienveillante, la cohésion et l’acceptation, qui forment les piliers de son intervention. Nous avons volontairement laissé de côté des éléments comme la confidentialité et d’autres lignes directrices, car elles relèvent davantage du droit contractuel ou de la déontologie. Les manquements en ces domaines, bien qu’importants, tombent sous le coup de la loi et s’inscrivent dans un cadre normatif strict.

Notre réflexion s’est plutôt concentrée sur la responsabilité morale du médiateur, une dimension qui transcende les règles formelles et qui trouve ses racines dans l’éthique du care. Cette éthique, fondée sur le souci de l’autre, constitue la matrice même de la médiation basée sur les intérêts. Elle met en lumière la nécessité de replacer l’humain au cœur du processus, en valorisant l’écoute, la sollicitude et l’attention aux besoins émotionnels des médiés. Il serait pertinent d’approfondir la relation entre l’éthique du care et la médiation, notamment sur le plan du langage et des interactions entre les parties. Ce lien pourrait révéler comment la sollicitude peut transformer la médiation en un espace de dialogue véritablement inclusif et empathique.


Ainsi, le médiateur n’est pas seulement un facilitateur neutre, mais aussi un acteur engagé dans une démarche éthique qui privilégie les relations humaines et la compréhension mutuelle. Ce rôle, bien que complexe et exigeant, représente une voie précieuse pour résoudre les conflits en tenant compte des dimensions émotionnelles et narratives des parties.

 
 
 

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