Dans nos sociétés, la responsabilité est souvent définie par le droit et étroitement liée à la notion d’obligation. Ces obligations peuvent être classées en trois catégories : l’obligation de faire, de ne pas faire et de donner, bien que donner ou ne pas faire soient, en réalité, aussi des formes d’action. Dans le cadre du processus de médiation, quel qu’en soit le type, tous les acteurs partagent une responsabilité commune pour garantir que le processus mène à un résultat qualitatif. Par médiation, nous nous concentrons ici sur la médiation basée sur les intérêts, excluant les autres formes de médiation qui, bien que valables, ne sont pas le sujet de notre réflexion. Dans ce contexte, le médiateur a l’obligation d’agir de manière à orienter la rencontre vers un succès ou un échec, selon les gestes posés et leur impact.
Les parties, quant à elles, ont une responsabilité plus limitée, se manifestant principalement par leur engagement volontaire à participer pleinement au processus. Cet engagement, toutefois, ne doit pas être perçu comme une contrainte ; elles conservent la liberté de mettre fin à la médiation à tout moment. La médiation reposant sur le volontarisme, aucune obligation stricte ne peut leur être imposée, car une volition forcée contredirait l’essence même du processus. Dans ce document, nous nous concentrons davantage sur la responsabilité du médiateur dans une médiation basée sur les intérêts. La responsabilité des parties, bien qu’importante, repose essentiellement sur leur acceptation initiale de participer et leur volonté de s’engager pour le bien du processus. Enfin, il est essentiel de rappeler que la médiation, étant volontaire par nature, ne peut jamais imposer une obligation stricte de participation, sous peine de dénaturer son fondement même.
Pour un médiateur, la responsabilité du point de vue juridique consiste à répondre des actes posés ou omis dans l’exercice de sa profession. Selon l’article 1383 du Code civil français, « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », ou encore l’article 1457 du Code civil québécois, la responsabilité civile repose sur trois éléments principaux. Tout d’abord, il y a le dommage, qui représente le préjudice subi par une partie. Ensuite, on trouve la faute, qui peut être lourde, grave, inexcusable ou résulter d’une négligence ou imprudence. Enfin, il y a la réparation, visant à compenser le dommage et à effacer la responsabilité de celui qui a causé le tort. D’emblée, on constate que la responsabilité n’est pas désirable, car elle implique de devoir réparer un préjudice causé à autrui, ce qui peut être perçu comme une charge lourde. De plus, les textes juridiques, éthiques et parfois même coutumiers régissant la profession de médiateur renforcent cette perception en soumettant le médiateur à l’examen de sa responsabilité civile. Cependant, ce qui nous intéresse ici dépasse la responsabilité strictement juridique. Nous nous pencherons sur la responsabilité telle qu’elle est vécue par le médiateur, celle qui donne du sens à son travail au quotidien. Cela inclut ses obligations professionnelles en tant que gardien du processus, mais également une réflexion sur une responsabilité non normative, enracinée dans son engagement personnel et éthique.
La responsabilité du médiateur comme gardien du processus de médiation : l’écoute
Nous l’avons déjà souligné, le rôle du médiateur consiste à garantir un processus irréprochable. Cela inclut la responsabilité d’écouter les parties, de demeurer neutre et impartial, et de gérer les émotions qui peuvent émerger de manière imprévisible au cours du processus. L’écoute des parties est sans aucun doute l’une des premières et des plus importantes obligations du médiateur.
Par son écoute, le médiateur permet aux parties de se sentir présentes, en confiance et prêtes à raconter leur histoire. Cette écoute doit être sincère, exempte d’interférences liées aux opinions ou valeurs personnelles du médiateur, qui risqueraient de compromettre l’intégrité du processus. Il est essentiel de distinguer entre entendre et écouter : entendre sollicite simplement le sens auditif, tandis qu’écouter implique une attention active et une véritable implication. Lorsqu’il écoute, le médiateur ne doit pas se perdre dans ses propres pensées ou analyses, mais être pleinement concentré sur ce que dit l’autre.
L’écoute attendue du médiateur est une écoute active, caractérisée par une sollicitude qui enrichit la qualité de l’échange. Cette écoute active permet au médiateur de rester ancré dans le moment présent, de comprendre non seulement les paroles de l’autre, mais aussi ses sentiments et ses émotions. Elle exige une attention dénuée de jugement, où le médiateur reformule si nécessaire les idées exprimées pour mieux refléter les pensées de son interlocuteur. Enfin, cette écoute, exempte de valeurs ou d’opinions personnelles, constitue le fondement d’un processus de médiation véritablement respectueux et équitable.
Que ce soit Thomas Gordon ou Carl Rogers qui ont travaillé sur l’écoute active, cette méthode offre au médiateur un outil essentiel pour créer un sentiment de sécurité et de confiance chez les médiés, leur permettant de s’ouvrir davantage. Les parties doivent se sentir écoutées et comprises, sans crainte d’être jugées. Pour cela, le médiateur doit se libérer de ses préjugés et adopter une attitude bienveillante et pleinement disponible. Écouter ne consiste pas seulement à entendre les paroles prononcées, mais à prêter attention à ce qui est exprimé à travers le langage verbal et non verbal.
Le langage joue un rôle fondamental dans le processus de médiation, car c’est par son biais que les interactions se construisent. Il permet aux médiés, avec l’accompagnement du médiateur, d’élaborer un récit commun propre à la situation et ainsi de trouver un terrain d’entente. Toutefois, « s’entendre » dépasse le simple langage ; cela inclut le contexte de la situation, l’attention portée aux expériences vécues par chaque acteur, et la considération globale des dynamiques en jeu. Le questionnement et la reformulation sont des outils précieux pour le médiateur, car ils lui permettent de valider sa compréhension tout en témoignant de son empathie et de sa bienveillance.
Dans la vie quotidienne, on a souvent tendance à écouter pour réagir, plutôt que pour comprendre. Cependant, dans le cadre de la médiation, il est crucial de se rappeler que l’objectif premier est d’écouter, non de chercher des solutions. La personne qui parle veut d’abord être entendue, sauf si elle demande expressément des conseils. Réagir, en cherchant immédiatement à résoudre un problème, détourne l’attention et empêche une écoute véritable. Ainsi, le médiateur doit toujours garder à l’esprit que l’objectif de l’écoute active n’est pas de répondre ou de réagir, mais simplement d’écouter. L’écoute active exige non seulement une attention aux médiés, mais également une confiance en soi, dans le processus et dans la sincérité des parties. Le médiateur doit s’efforcer de ne pas projeter son propre vécu sur les récits des parties, car cela pourrait nuire à la qualité de son écoute. En tombant dans ce piège, il risque de percevoir des sous-entendus inexistants ou de mal interpréter des propos comme des attaques personnelles. Une telle posture détournerait le médiateur de son rôle essentiel, qui est de se concentrer sur une écoute véritable et bienveillante.
Si l’écoute est une compétence fondamentale pour le médiateur, elle doit impérativement être associée à une neutralité irréprochable. Cette neutralité, bien plus qu’une qualité, constitue le fondement même de la réputation et de l’efficacité du processus de médiation. Elle permet de garantir que les parties se sentent en confiance, libres de s’exprimer sans crainte de jugement ou de favoritisme. La neutralité ne signifie pas une absence d’implication, mais une posture équitable où chaque partie est accueillie avec la même attention et le même respect. En combinant écoute active et neutralité, le médiateur bâtit un espace sécurisé où le dialogue peut se dérouler dans des conditions optimales. C’est dans cet équilibre subtil que repose le succès du processus de médiation.
Comments